Tornade Hautmont

 Tornade Hautmont

«Si le vent se lève, ils ont peur»

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Un an après, la reconstruction lambine et la tornade hante les sinistrés.

Vendredi 31 juillet 2009, Journée de commémoration de la ville de Haumont un an après le passage

Vendredi 31 juillet 2009, Journée de commémoration de la ville de Haumont un an après le passage de la tornade qui a fait 3 morts, 18 blessés et des millions d' euros de dégâts. (Aimée Thirion/Libération) (Aimée Thirion)

A Hautmont (Nord), un an après la tornade, le quartier de l’Exotique a des allures de village de vacances triste, avec ses 32 mobil-homes où se serrent les sinistrés. Entre les rues du Vélodrome et Fernand-Rousselle, dans le triangle le plus durement frappé par des vents de plus de 200 km/h, là où trois personnes sont mortes, les ruines des maisons dévastées ont disparu. Abattues. «Je pensais pouvoir récupérer quelque chose de ma maison. Mais la dalle avait bougé, il y avait une fissure à la cave. Personne n’aurait pu reconstruire là-dessus», raconte Martine Franciamore. On l’avait rencontrée le 5 août 2008, deux jours après la tornade, essayant de sauver ce qu’elle pouvait de ses affaires. De son pavillon, il ne restait que quelques murs du rez-de-chaussée. Les étages ? Envolés. En février, elle a dû se résoudre à la démolition. «C’est dur. La pelleteuse prend des bouts de vos meubles, vos vêtements restent accrochés à la pelle. Vous voyez vos années partir. Des choses qui pour les autres sont dérisoires, mais qui pour vous sont des souvenirs.»

Terrain vague. Elle a tenu à assister à la scène. «Je voulais aller jusqu’au bout. C’est un deuil. C’est comme quelqu’un que vous aimez, vous allez jusqu’au cimetière.» Martine reçoit désormais dans la minuscule salle à manger de son mobil-home, fourni par l’Etat, où elle vit depuis dix mois. «Cet hiver on a eu très froid. Les tasses, on les passait au micro-ondes quand on voulait les utiliser, on avait l’impression qu’elles sortaient du frigo.» Dehors, les températures sont descendues jusqu’à moins 21 degrés. De sa fenêtre, elle a vue sur un terrain vague, des herbes folles, avec des massifs de roses ou de bégonias qui ressuscitent, souvenirs des anciens jardins. C’est là qu’elle habitait, comme la majorité des sinistrés.

Once d’espoir, cinq maisons commencent à sortir de terre, la reconstruction avance à pas comptés. Martine Franciamore parle et ses yeux se rougissent, de larmes contenues. «Pour nous, les travaux devraient commencer fin août, début septembre. Mais j’ai l’impression que je ne m’en sortirais pas. C’est mon mari qui se bat. Dès qu’il y a des soucis, il descend en ville à la mairie.» Les assurances ont bien marché, dans l’ensemble. Mais entre le permis de construire, les plans de l’architecte, les devis, les nouvelles habitations ont pris du retard. «Nous avons dû racheter un terrain dans le quartier, parce que le nôtre était beaucoup trop étroit, ce n’était pas possible de reconstruire là, nous a dit la préfecture, explique Martine. Cela veut dire changer de rue, changer de voisins, alors qu’on avait notre maison, tout était payé, on était tranquille.» En dix secondes, la tornade a tout ravagé. Martine était en vacances au moment de la catastrophe. «Ceux qui ont vécu cela ont la souffrance en plus. Dès que le vent se lève, ils ont peur.»

Chantiers. Fernand Roland se promène entre les gravats, salue les maçons au travail. «Je suis parti de mon mobil-home, parce qu’il y a la télé qui filme. Je ne veux plus raconter mon histoire, car sinon les images tournent dans ma tête, surtout le soir.» Dans la nuit du 3 août au 4 août 2008, il fut l’un des 18 blessés : à 82 ans, il a bien récupéré de ses multiples fractures.

Il raconte tout de même, emporté par la discussion : «Je montais me coucher. J’ai vu au milieu de ma chambre un cylindre gris, sale. Après, je ne sais plus, j’ai perdu connaissance. Je me suis retrouvé tout nu sur un tas de briques, c’est la pluie, très forte qui m’a réveillé. On n’a jamais retrouvé mon pyjama.» La tornade l’avait projeté de l’autre côté de la rue. Il fait reconstruire, lui aussi, comme pratiquement tout le monde, ici : les assurances remboursent moins bien si on ne rebâtit pas au même endroit. Mais ce n’est pas la seule raison : «J’ai tenu à la refaire, ma maison, parce que mon mari, décédé, l’avait faite tout seul», raconte Francine, 83 ans, la première à avoir réemménagé chez elle, il y a trois semaines. «Il avait eu trop de mal. On l’a construite sans crédit, petit à petit. Il me disait, j’ai besoin de dix parpaings, je lui répondais je n’ai de l’argent que pour cinq.»

C’est un quartier comme cela, ouvrier, où chacun bricole son home sweet home. La maison de Martine Franciamore n’avait que deux pièces quand elle l’a achetée. Elle comptait 180 mètres carrés habitables quand la tornade l’a pulvérisée. «Nous y avions consacré tellement de temps, avec beaucoup de sacrifices, sans partir en vacances», se souvient-elle.

Tous ne reviendront pas cependant. Géralde Tondeur, qui avait son entreprise de châssis en PVC sur place, à côté de sa vaste résidence, préfère tout déménager. «Ma femme ne veut plus y vivre», explique-t-il. Elle lance, de sa cuisine, voix éraillée, fragile : «On va se lever le matin pour voir là où était la maison de nos amis décédés. Ça va nous remettre dans le souvenir. Pourquoi faire des dépressions ?»

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05/08/2009
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