Tornade Hautmont

 Tornade Hautmont

Les sapeurs-pompiers, héros anonymes au coeur du chaos à Hautmont et Maubeuge

Ils interviennent depuis dimanche soir dans des conditions parfois particulièrement frustrantes. Les sapeurs-pompiers d'Hautmont, de Maubeuge et des alentours ont été aux premières loges, non du passage de la tornade, mais des secours aux personnes et de protection des biens. Témoignages.

Au plus fort des premiers secours, dans la nuit de dimanche à lundi, ils étaient plus de 150 sur les routes de Sambre, à essayer parfois de se frayer un chemin pour rejoindre des victimes coincées dans leurs maisons, ou tentant de dégager des Hautmontois, pour finalement ne retirer des décombres que des corps sans vie au terme de recherches harassantes. Par le principe de roulement qui dirige le travail des sapeurs-pompiers professionnels, la grande majorité des sapeurs-pompiers de l'Avesnois, voire du Valenciennois, ont eu l'occasion d'intervenir, depuis dimanche, sur le théâtre des destructions imputables à la tornade.

Il y a eu bien sûr ceux qui étaient aux premières loges. Par le plus grand des hasards, et qui se souviendront, comme vous lecteurs, de l'endroit où ils se trouvaient lors de l'arrivée du vent furieux.

Le toitsur l'ambulance

Dés la nuit de dimanche à lundi, beaucoup parlaient de cet équipage de pompiers qui a amené une parturiente au centre hospitalier de Sambre-Avesnois. La jeune femme avait accouché, les urgences venaient de la prendre en charge... Arrive la tornade, une partie du toit du centre hospitalier atterrit sur l'ambulance. Pneus crevés. Quant aux routes permettant de quitter l'hôpital, comme de le rejoindre, les voilà méconnaissables.

L'équipage devra, avec le concours d'un routier belge équipé de sangles, s'employer à retirer les premiers branchages du boulevard Pasteur. «  Les premières minutes qui ont suivi le passage de la tornade ont imposé un contexte très inhabituel », explique le commandant Thiébaud, l'un des nombreux officiers qui se sont rendus à Hautmont et Maubeuge. «  Certains réseaux GSM étaient saturés, certaines radios ne fonctionnaient plus, les routes étaient encombrées... » Des conditions particulièrement frustrantes pour les sauveteurs. Sous une pluie battante, ces derniers ont dû se concentrer, cette nuit-là, sur le sauvetage des personnes, comme le dicte la logique et leurs textes. «  Beaucoup de monde a pu se dire qu'ils n'avaient pas vu les sapeurs-pompiers alors qu'ils les avaient appelés, mais il était nécessaire de coordonner et de hiérarchiser les secours ... » Depuis plusieurs jours, et alors que la météo est redevenue capricieuse, pluvieuse au point de laisser planer l'idée d'une malédiction sur l'esprit des sinistrés, les sapeurs-pompiers sont engagés dans des missions qui ne sont pas «  leurs priorités habituelles », loin de là : il faut ainsi bâcher les habitations restées béantes, et que des couvreurs débordés n'ont pas pu visiter. Les bâches fournies par onze départements français de la sécurité civile présents sur place, mais aussi par les municipalités sont fort utiles.

Éclairage public

«  On repose même certaines tuiles que les gens ont rachetées », expliquait hier un équipage au travail à Montplaisir. Il restera la rue d'Hautmont à visiter, rien qu'à Maubeuge. «  Les dégâts ont été concentrés à Hautmont, diffus à Maubeuge », expliquent les professionnels. Il s'agit aussi d'éclairer les zones sinistrées, notamment les alentours du collège Ronsard d'Hautmont toujours dépourvu d'éclairage public. Les pompiers s'allient de la sorte aux forces de l'ordre pour éviter les «  visites malveillantes ».

Encore du travail en perspective. Alors que certains des pompiers sont eux-mêmes sinistrés. En soit témoin ce gradé domicilié au Village-Fleuri de Maubeuge, croisé en pleine intervention, jeudi : «  Je suis à la recherche d'un couvreur. Je vais finir par m'occuper de moi... »

« Les gens s'accrochaient à notre camion »
« Les gens s'accrochaient à notre camion »

Près d'une semaine après la catastrophe, la stupeur se partage encore à l'amertume, du côté des sapeurs-pompiers d'Hautmont. Témoignages de l'équipe C, arrivée en premier sur les lieux du drame.

22 h 34 à la caserne. Un appel pour Boussières-sur-Sambre. Une maison se serait effondrée. Sébastien, les deux Ludovic et Dominique leur adjudant, n'ont pas plus d'informations. Cinq véhicules prennent la direction de Boussières : « Partis les premiers, arrivés les derniers  ». En effet, la première équipe trouve la route obstruée, par le bois de Boussières : « Des arbres de 30 à 40 mètres étaient couchés ». Une autre équipe arrive par Saint-Rémy-du-Nord : « La maison effondrée, on ne l'a pas vue, raconte Ludo. La place semblait nette, on ne savait pas qu'il y avait une maison là. Il comprendra quand il apercevra un homme tenter de s'extirper des ruines de son pavillon.

22 h 41. Nouvelle onde de choc. Rue du Vélodrome à Hautmont. « On avait déjà eu des frissons à Boussières, mais là on a pris une claque  », témoignent les deux Ludovic. Leurs véhicules ne pouvant accéder à la rue Aimé-Collet, les sapeurs-pompiers la traversent à pied. Courant dans le noir. « Il y avait des cris, des hurlements... Pas de mots pour décrire ce qu'on ressent. Beaucoup d'émotion et en même temps, c'était l'horreur », frémit encore Ludovic. « Les gens s'accrochaient à notre camion », poursuit l'autre Ludo, posté rue Gambetta. « Ils étaient paumés, raconte Sébastien. C'était le chaos. » L'avancée est terrible : « Plus on progressait, plus on nous demandait de l'aide. » Mais les pompiers sont débordés et vont naturellement à l'essentiel : l'aide aux victimes. « On allait maison par maison en demandant s'il y avait des victimes. Puis on coupait le gaz.» Dominique a extrait la première victime des décombres : « En ces moments-là, on ne réfléchit pas. On se dit bien qu'on va retrouver un cadavre, mais on espère toujours. » Une demi-heure plus tard, le corps sans vie d'Yvette Colmain gît sur un brancard.

Amertume

Avec le temps, les pompiers ont très mal vécu certaines réflexions : « Des sinistrés disent que les pompiers n'étaient pas présents, confie Ludo, excédé. Ça devient pénible. Notre mission première, c'est de faire le maximum. A notre arrivée, on ne pouvait pas s'occuper des dégâts matériels. Aujourd'hui, on est aussi usés moralement que physiquement. Un merci de temps en temps, ça fait du bien. On n'en a eu peu. » Une semaine après, la caserne est encore sous le choc : « Quand le jour s'est levé... c'est comme s'il y avait eu la guerre. » Aucun pompier ne s'imagine être confronté à telle catastrophe quand il décide de s'engager : « On "espère" toujours faire le feu du siècle, dit Ludo. Si on le rate, on peut s'en mordre les doigts. Mais là... » « Un incendie, on arrive à le maîtriser, poursuit Patrick. Mais une catastrophe naturelle... On est impuissant face à ça. »



14/08/2008
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