Tornade Hautmont

 Tornade Hautmont

Dans les bungalows, le froid et l'angoisse à l'approche des fêtes


 La famille Sprimont dans son bungalow: Éric, Florence et Amélie, qui adore être photographiée.

La famille Sprimont dans son bungalow: Éric, Florence et Amélie, qui adore être photographiée.

|  TÉMOIGNAGES |

La promiscuité, le froid, les tensions, l'ennui. C'est le quotidien des familles installées dans un bungalow depuis le passage de la tornade. À l'approche des fêtes de fin d'année, ils nous ont confié leurs angoisses.

Il résume ça en deux phrases : « On avait une habitation de 120 m² - de quoi bouger -, une surface extérieure de 13 ares - de quoi s'occuper - et là on se retrouve dans 20 m² à quatre. Je vous dis pas que c'est la belle vie.  » Éric Sprimont, 42 ans, vivait avec ses deux filles et sa femme au 38, rue de Vieux-Mesnil à Boussières. Depuis le 3 août « la maison, il ne reste plus que la moitié...  » Le reste a été emporté par la tornade, ça fait donc près de deux mois qu'ils sont tous les quatre « cloîtrés dans un petit bazar  », un bungalow.

Pas le choix : Éric, Véronique et leurs deux filles Amélie (6 ans) et Florence (11 ans), apprennent comme ils peuvent à vivre dans la promiscuité : « Ça crée une tension avec mes filles, raconte le papa, surtout l'aînée qui veut son indépendance. On s'engueule souvent.

 » Les deux gamines sourient mais opinent du chef.

La tribu Sprimont sait que dans son malheur, elle a de la chance d'être encore vivante - le soir du 3 août ils étaient cinq dans la maison où ils venaient de fêter l'anniversaire de Florence - mais c'est un peu juste pour voir la vie en rose. « Je le dis maintenant, mais j'ai vu le trou noir , J'ai failli faire certaines conneries, confie pudiquement Éric... Si je ne l'ai pas fait, c'est pour ma famille. » Il est conscient qu'il faut aller de l'avant, penser à l'avenir et en particulier à sa maison, son « troisième bébé  » comme il dit, qui sera un jour reconstruite, en mai si tout va bien. N'empêche, le souvenir de la tornade est indélébile : « Dès qu'il y a beaucoup de vent, le mobil-home bouge, je peux vous dire qu'on se met à la porte avec les clefs de voiture à la main, prêts à se barrer.  » Statistiquement, il ne risque pourtant pas de voir une autre tornade dans sa vie. Il est au courant, « mais allez expliquer ça à un enfant... Je ne souhaite jamais à personne ce qu'on a subi là.  »

« J'ai peur de la facture »

À côté de la table, dans la pièce principale, il y a un équipement qu'on retrouve dans tous les bungalows où nous sommes entrés : le chauffage d'appoint. Au fur et à mesure qu'approche l'hiver, le froid est devenu l'ennemi, celui qui s'insinue par le dessous des mobil-homes, mal isolés : « Les bungalows, c'est impeccable l'été, ironise Éric. Là, il y a de l'humidité dans toutes les piaules. Les radiateurs sont à fond pour dire d'avoir une température agréable, et j'ai peur de la facture qui va arriver. C'est inconscient, mais on a dû boucher les trous d'aération car la chaleur se barre au niveau de la toiture. » Il y a le froid et aussi l'ennui, qui a fait une apparition remarquée pendant ces vacances. Les sinistrés ont le sentiment de tourner en rond. Chez les Sprimont, en ce samedi de la Toussaint, l'aînée fait des devoirs, la petite regarde la télé. « On fait beaucoup de courses, raconte le père, ça fait une sortie. On achète au jour le jour pour dire de se déplacer souvent. On va au ciné aussi, mais tout ça a un coût... » L'avenir proche est tout sauf radieux. Il n'y aura pas de sapins dans les bungalows, pas la place, mais Noël est déjà dans toutes les têtes : « On voit arriver les fêtes de fin d'année, et on sait qu'on va se retrouver à quatre comme des rigolos. Moi je m'en fous, mais j'ai quand même deux filles en bas âge.  » Il se souvient de l'époque où il décorait la maison avec ses filles : « Bah on va peut-être décorer le mobil-home...  »

« De plus enplus dur »

Autre bungalow, autre ville, mêmes préoccupations : à Neuf-Mesnil, la famille Boniface, dont les rejetons Alexandra et Dylan ont 8 et 12 ans, ne se sent « pas du tout » chez elle. C'est Sandrine, la maman, qui le dit. Elle ajoute que les choses ne vont pas en s'arrangeant : « Je trouve que c'est de plus en plus dur, on voit les fêtes arriver alors qu'on a tout perdu. » Les Boniface ont des voisins extraordinaires : ils les ont hébergés un mois durant, leur ont offert une voiture (!) et les invitent à dîner pour Noël. Ça redonne le sourire, mais reste le contexte : « Mon mari est fort malade, son diabète s'est aggravé après la tornade. En plus, il travaille à Sevelnord où ça va pas très bien, il chôme. Tout s'emmêle. » Le petit a peur « quand il voit les arbres se plier », la grande va à l'école ouverte pendant les vacances pour tromper l'ennui. Avec ça sur les épaules, Sandrine a fait une dépression : «  J'ai toujours envie de pleurer, j'évite devant les enfants. Même mon mari, il dit rien, il fait tout ce qu'il peut, mais je vois bien que ça va pas. » Antidépresseurs et somnifères, c'est le régime de Nathalie Tenret. Vendredi, elle dit qu'elle a « pété les plombs » quand son bungalow situé à Maubeuge a subi une fuite d'eau. Elle vit avec Gabrielle 12 ans, et Grégory, 22, qui supportent mal l'exiguïté de leur nouvelle habitation, le froid, l'eau « qui met 10 minutes à chauffer », le frigo qui déconne et l'absence d'enclos pour les trois chiens, qu'on leur a pourtant promis. « L'intimité est réduite, ajoute Grégory, les cloisons font 2 mm d'épaisseur, le premier levé le matin réveille les autres. J'essaie d'être ici le moins possible.  » Les Tenret et tous les autres ont la chance d'avoir un toit, en sont conscients, mais s'accordent là-dessus : « On ne peut vraiment pas comparer ça à une maison. »


04/11/2008
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