Madani
Hannachi est chargé de mission à la mairie d'Hautmont. Dévoué auprès
des victimes de la tornade, Madani ne parle pas facilement de lui.
Alors ce sont ses amis, les Hautmontois sinistrés, qui le font à sa
place.
PAR JULIEN CASTELLI
maubeuge@lavoixdunord.fr
« Si je suis absent, je ne suis pas loin. Je suis sur la zone
sinistrée. En cas d'urgence, vous pouvez m'appeler (...) 7 jours sur 7,
24 heures sur 24 », est-il écrit sur une fenêtre du préfabriqué de la
rue Aimé-Collet. L'endroit sert de « QG » à Madani Hannachi, « notre concierge des mobile homes ! », rit Claudie Duret, une Hautmontoise sinistrée.
Car d'aucuns vous le diront : « Quand on a un souci, c'est Madani qu'on va voir. »
Qu'ils aient besoin de changer une bouteille de gaz, discuter des
termes d'un contrat d'assurances ou simplement trouver du réconfort par
quelques mots gentils, les relogés de la tornade savent qu'ils peuvent
compter sur Madani. « C'est sur son dos que passent toutes nos emmerdes ! », témoigne, réaliste, Jean Duret. « C'est l'patron ! résume Jacky Cardon. On peut lui demander ce qu'on veut, il est toujours là. Je le remercie beaucoup. »
Lorsqu'il entend ces compliments, l'homme âgé de 65 ans se fait tout
petit dans son éternelle parka orange et bleue. Il baisse pudiquement
ses yeux las, qui vont se blottir derrière deux pommettes saillantes.
Pour lui, rien d'étonnant à se lever à 4 heures du matin, l'hiver en
période de gel, afin de répandre du sel (antiglisse) sur les marches en
bois des mobile homes. Rien d'étonnant non plus à revenir du mariage de
sa fille les bras chargés de boîtes de chocolat, pour tous les
sinistrés. Rien d'étonnant à leur dévouer sa vie.
Mais il y a une chose que Jacky Cardon trouve étonnante et il lui dit : «
T'as vu dans quoi tu vis ? Avec tout le travail que tu fais, t'as juste
la place pour mettre un matelas par terre. Ce soir, je te ramène un
sommier. » Son préfabriqué est des plus exigus (2 mètres de large
sur environ 8 de long), mais ça convient à Madani, qui ne dort, de
toute façon que « deux heures par nuit ». Sa toilette ? Il dit qu'il va la faire « au café du coin ». Et s'il n'a pas encore été payé pour sa mission, ça lui est complètement égal.
Madani Hannachi a accepté de sortir du bénévolat uniquement par amitié : parce que Joël Wilmotte le lui a demandé. «
Du moment que j'ai quelque chose pour être à l'abri, le reste je m'en
fous. J'ai passé trois mois sans bungalow, je dormais dans ma voiture. » Et pourtant, il possède une maison à Hautmont, quartier du Fort, mais ne s'y rend jamais : « Je ne suis pas tranquille. J'ai toujours peur qu'il arrive un problème ici. » Sinon, que sait-on de Madani Hannachi ? « La tête est née au bled et les pieds ici »,
résume-t-il laconiquement. Arrivé d'Algérie en 1953, il a exercé
l'activité de fondeur chez Cockerill. La tornade du Pommereuil, en
1967, il l'a vécue en donnant un coup de main, déjà. Et Madani Hannachi
reste évasif sur son emploi du temps, d'avant le 3 août 2008 : « J'étais à Damas et au Liban » pour « certaines choses »
qu'on devine humanitaires. Il n'en dira pas plus. Une fois que tout
sera terminé, qu'il n'y aura plus personne à reloger, comment
occupera-t-il ses journées ? La réponse fleure l'évidence : « Je prendrai ma route. »