Poursuite de la journée de travail de Madani Hannachi, le 25 décembre à Hautmont (lire page précédente).
11 heures.- Rue Fernand-Rousselle, Josiane Naomé décortique ses huîtres. « C'est pour ce midi. On en a mangé hier, déjà ! ».
Son mari, Gérard, discute avec Madani Hanachi. Il s'exaspère : son
permis de reconstruction tarde à lui être délivré. Quand soudain, un
hurlement strident se fait entendre. L'auteur de ces lignes se dit
qu'il a maladroitement essuyé ses chaussures sur la chienne Urfa, mais
il n'en est rien : « Non, elle me fait ça aussi, signale Josiane. Pour peu qu'on la frôle, elle pleure. C'est depuis la tornade. »
Gérard et Josiane ont le sourire : dans leurs boîtes aux lettres, ils
ont eu la surprise de découvrir des chèques. Suite à des articles parus
dans plusieurs journaux régionaux, des lecteurs ont saisi l'occasion de
faire un don. L'un d'eux, un Breton, leur propose même le prêt d'un
pavillon ! « Je ne les connais pas ! assure Gérard Naomé. On va écrire à ces gens-là pour les remercier.
» Tous avaient transité par Madani Hannachi, qui s'est chargé d'indiquer l'adresse du couple sinistré.
11 h 33.- Retour chez Micaël Goncalves. Ça y est, les
cadeaux sont ouverts. Dario, deux ans, est ravi. Madani aide le papa à
monter le tableau de feutre : « C'est pas possible »,
peste-t-il. Madani aussi a un cadeau, offert par la mairie. Celui qu'il
a remis la veille à tous les jeunes couples sinistrés : un ordinateur
portable. Depuis qu'elle est installée, la famille Goncalves n'a pas
encore été livrée en télévision, ni en micro-ondes, comme dans
n'importe quel autre mobile-home. Selon Micaël, c'est parce que lui et
sa femme Lucia travaillent tous deux et ne sont donc pas souvent à la
maison. Du coup, Micaël a signé une décharge pour qu'à l'avenir, M.
Hannachi réceptionne ce qui est dû à sa famille.
12 h 25.- Ça sent bon chez les Lalami. Ada prépare une galette arabe à ses fils Nouari, Abdelhakim, Saïd et Blaze. « Madani, ça fait quarante ans qu'on le connaît »,
raconte Saïd Lalami. Il fut un temps où Madani Hannachi était
l'entraîneur de la Jeunesse sportive algérienne, association disparue
depuis. Les Lalami ? « C'était tous mes élèves ! » sourit Madani.
13 h 30.- La minute « souvenirs » est interrompue par un coup de téléphone. Pas le temps de prendre un sandwich pour déjeuner, M.
Hannachi est appelé à la rescousse par sa belle-fille,
Christelle Delsarte. Elle habite la résidence Sequoia, cité exotique.
L'eau de la baignoire coule sans discontinuer : « Je ne sais pas ce qui se passe, ça tourne dans le vide », s'inquiète la dame. Une vis était dévissée.
Noël sans son père
13 h 50.- Madani Hannachi
taille le bout de gras chez le boucher, Jacky Cardon, quand sa fille,
Nadhera l'appelle sur son portable. Elle est venue passer un peu de
Noël avec son papa, mais Madani est aux côtés des sinistrés. La jeune
femme semble contenir une certaine émotion.
Lorsqu'on lui demande ce qui pousse son père à mener à bien sa
mission dans les mobile homes, elle répond en se pinçant les lèvres : « Son salaire, c'est la satisfaction des gens. » 14 h 15.- Toujours aussi émue, Nadhera Hannachi repart à Boulogne-sur-Mer, où elle réside. « Tu m'appelles quand t'arrives », lui souffle son père.
15 h 25.- L'heure de tenir sa promesse du matin. Le
temps de fumer une cigarette et Madani grimpe dans sa voiture : il
prend la direction du centre hospitalier de Maubeuge. Fernand Roland,
82 ans, est assoupi dans une chambre du troisième étage. Lorsque Madani
ouvre la porte, le visage de Fernand s'illumine : « T'es bien gentil, lui dit-il en se redressant péniblement. Tu es venu me voir ! Je pensais à toi. » Les deux hommes s'étreignent avec une belle sincérité. « J'avais un engagement, lui répond M.
Hannachi. Tu m'as touché, Je vois que tu es content, ça me fait beaucoup de bonheur. » Fernand Roland reprend, en direction de sa femme Jacqueline, qui vient d'arriver : « Ça me fait plaisir qu'il soit venu me voir ».
L'échange sera bref. Madani Hannachi préfère s'éclipser devant l'épouse
et le fils de Fernand. Étendu dans son lit, Fernand pleure.