Hautmont : les sinistrés du Nord toujours traumatisés
Un an après la tornade qui a tué 4 personnes et détruit des dizaines de maisons, une trentaine de familles vivent toujours dans des mobile homes à Hautmont.
Les ouvriers achèvent de
cimenter les murets qui l’entourent. Dressé à l’angle de l’aire des
bungalows, le monument de marbre noir est prêt pour la cérémonie.
« Passant, souviens-toi, interpelle l’hommage qui y est gravé en
lettres d’or. Le 3 août 2008, Hautmont était soufflée par la plus
grande tornade d’Europe.
«Pas une maison n’est prête »
Hautmont, quartier du Vélodrome, un an après. Dans ce « triangle »
de la catastrophe, les stigmates d’un phénomène météorologique inédit
et d’une violence inouïe s’effacent avec lenteur. Les bâches ont quitté
les toits, les tuiles retrouvé les charpentes. Des murs de briques
neuves dessinent peu à peu de nouvelles maisons. Hormis trois, la
plupart de celles que le vent avait éventrées ont enfin été démolies.
Mais les géraniums ornent toujours les balcons des bungalows où ont été
relogées une grande partie des familles. A l’heure du premier
anniversaire du drame, que le maire a voulu marquer par l’installation
de cet « espace souvenir » et une commémoration aujourd’hui, la
reconstruction est loin d’être achevée. « Il y a eu le temps des
assurances et des expertises, énumère Joël Wilmotte. Puis les
entreprises à trouver, les mutations de terrains, les permis de
construire… » Et ce casse-tête des procédures de désamiantage qui lui « reste sur le cœur » (lire ci-contre) .
Sur le terrain, qu’il arpente sans relâche plans en main, Daniel
Desmet, directeur d’une société d’ingénierie chargée de coordonner les
travaux, confirme. « On est en pleine phase administrative. En
reconstruction pure, pas une seule maison n’est prête. Ça ne sera pas
terminé dans un an. » A deux pas, Gérald Tondeur s’affaire sous le
hangar de son entreprise. Très endommagé, le bâtiment n’a pas encore
été détruit. Mêlés aux chardons, des plants de blé apportés par la
tornade ont poussé là où se dressait sa maison, célèbre dans la région
pour les animations de Noël qu’il y organisait. « J’ai longtemps peiné
avec mon assureur », confesse l’homme, qui a pourtant géré, comme
président de l’Association d’aide aux sinistrés, les dossiers de 300 de
ses voisins. Sa femme refuse toujours de revenir. Le couple vit
désormais hors du quartier. « Le moral ? Ça ira mieux dans deux ans »,
glisse-t-il.
Chaque pas-de-porte ou de bungalow ouvre sur une situation différente.
Ici, un macadam tout neuf devant une maison dont la rénovation est
terminée. Là, un trou dans la chaussée pour un raccordement au gaz en
attente. Plus loin, un camion chargé de meubles qu’on rapporte enfin. A
côté, une équipe d’ouvriers sur des échafaudages. On raconte les soucis
et les lettres recommandées. On vante la solidarité et les visites de dany Boon.
On salue le grand cœur de Madani Hannachi, l’homme à tout faire,
disponible « 24 heures sur 24 » au point d’avoir affiché son numéro de
portable sur le conteneur qui lui sert de bureau et de dortoir. Puis
les mots révèlent cette constante : un traumatisme sous-jacent, qui
bientôt jaillit.
« Ça nous prend à la gorge »
« On a toujours du vent maintenant que le bois a disparu. La nuit, j’entends du bruit sur mes fenêtres », évoque Lucienne, 70 ans, qui se refuse à recourir à l’équipe mobile de psychologues mise en place par les autorités. « On ne reconnaît plus notre environnement. Ça nous prend à la gorge », confient Thérèse et Patrick, dont la maison était entourée d’arbres centenaires qui ont tous été abattus. « Tout est vide », murmure l’un de leurs voisins. « Il y a un mois et demi, on a eu un très gros orage. Jean-Claude a eu peur, il est tombé en dépression », relate Micheline, du bungalow n o 6, qui couve son compagnon du regard. Cette fois-là, les vents n’ont atteint que 140 km/h. Mais la panique a gagné les habitants. « Dès que le ciel s’assombrit, les enfants ont peur », constate ce père de famille.A Boussières, une commune voisine où la tornade a touché quatre maisons, Sophie et Jean-Christophe viennent d’emménager dans la leur, toute neuve. Grièvement blessé au pied, lui est toujours en arrêt maladie. Mais ils s’estiment « heureux par rapport à ceux qui ne sont pas encore chez eux ». Ils seront à Hautmont aujourd’hui mais souhaitent aussi commémorer la première année par un feu d’artifice avec leurs voisins. Ces mêmes voisins avec qui ils se réunissent parfois pour « parler de la nuit d’enfer et pleurer. »
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